En tant que détective privé, il est indispensable de savoir comment utiliser des preuves dans un litige entre un salarié et son employeur.
Le code du travail ne traite pas de la recevabilité des preuves dans le cadre d’un litige prud’homal. Ainsi, il faut se référer à l’article 9 du code de procédure civile qui stipule « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Pour appliquer cet article, la jurisprudence a invoqué le principe de loyauté. Comme le témoigne, cet arrêt « Cass. ass. Plén., 7 janv. 2011, no 09-14.316 » dans lequel la Cour de cassation a reconnu qu’un enregistrement téléphonique effectué à l’insu de son auteur constitue un moyen de preuve irrecevable. D’autre part, de nombreux jugements ont refusé d’admettre des preuves obtenues par un système de surveillance des salariés non déclaré auprès de la CNIL.
Cependant, depuis 2020, on assiste à une évolution de la jurisprudence qui tend à accepter des preuves illicites et déloyales.
À titre d’exemple ont été acceptés comme moyen de preuve :
En l’espèce, il s’agissait d’une salariée qui avait entravé son devoir de confidentialité en divulguant sur son espace Facebook la nouvelle collection de vêtements vendu par son employeur. Ce dernier a été informé de cette publication grâce au mail d’un autre salarié qui était « un ami Facebook » de l’intéressée. La cour de cassation a reconnu que ne constituait pas un moyen de recueil illicite le fait d’utiliser comme moyen de preuve une information communiquée par une personne autorisée à visionner les publications d’un compte Facebook.
- Des images de vidéos surveillances qui ont été installées pour surveiller l’activité des salariés sans que les représentants du personnel en soient informés « Cass. soc., 10 nov. 2021, no 20-12.263 ».
On peut constater que la légitimité de la preuve a tendance à prévaloir sur la légalité de celle-ci. Dans ces 3 jurisprudences citées précédemment, le juge a appliqué le principe de proportionnalité en mesurant si l’atteinte à un droit fondamental (en général le droit à la vie privée) était proportionnée au but recherché. Puis il a recherché si la production d’un élément illicite était indispensable à l’exercice du droit à la preuve.
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme invoque le droit à un procès équitable ce qui veut dire que chacun doit pouvoir apporter ces preuves pour défendre sa cause. À titre d’exemple, la jurisprudence « CEDH, 17 oct. 2019, Lopez Ribalda et autre c/ Espagne, n° 1874/13 » a accepté comme preuve un enregistrement vidéo de salarié soupçonné de vol.
En l’espèce, il s’agissait de plusieurs caissières d’un supermarché qui étaient accusées de vol. Elles contestent leurs licenciements en invoquant une violation de leurs vies privées garanties par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Dans un premier temps, la juridiction européenne considère que les soupçons de vols sont un motif légitime pour installer un système de vidéo surveillance.
Puis dans un second temps, elle a déterminé le degré d’intrusion dans la vie privée en prenant en compte les critères suivants :
En l’espèce les caméras étaient placées dans un lieu privé ouvert au public (supermarché) la cour a considéré que l’atteinte à la vie privée était très réduite dès lors que leur activité était visible de tous. S’agissant de la durée, elles ont été installées pour une durée de dix jours, ce qui constitue le délai nécessaire pour trouver les auteurs de l’infraction.
Seulement 2 responsables et un délégué syndical ont eu accès à cet enregistrement. Ce qui ne constitue pas pour la cour un degré élevé d’atteinte à la vie privée.
L’enregistrement avait pour unique objet de lever des doutes sur une atteinte à la propriété. Les juges européens ont estimé que cette finalité était légitime.
L’importance des pertes constatées laisse supposer que les vols sont commis par plusieurs individus. Ainsi, la cour a retenu que les suspicions de vols pouvaient créer un climat de méfiance qui aurait pour conséquence de mettre en péril le fonctionnement de la société.
Non, car personne ne devait être au courant de cette vidéosurveillance.
On peut en conclure que les juges ont tendance à faire la part des choses entre le droit à la vie privée des salariés et le droit à la protection privée de ses biens par l’employeur ainsi qu’au bon fonctionnement de sa société. Ils ont conclu qu’une atteinte à la vie privée réduite pouvait être justifiée pour faire valoir un autre droit fondamental, en l’occurrence, le droit à la protection de ces biens.
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